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mezonemo dre-holl
28 mai 2007

les fantômes de passé

Aujourd'hui dimanche, les rues sont vides, les voitures sont au garage, le silence règne presque dans la ville comme c'était le cas il y a 100 ans.. Quoique... non.

Les voitures ne circulaient pas, bien sûr, mais la rue résonnait d'autres bruits. Les sabots des chevaux tirant les diligences chargées de malles et de voyageurs martelaient le pavé, les hénissements, les cris des cochers couvraient le brouhaha des mille conversations engagées dans la rue. Les gens se parlaient, et cela s'entendait. Aujourd'hui ils ne se parlent plus, et cela s'entend aussi..

Je me promène dans la ville, les lieux me sont familiers car c'est ici que j'ai grandi, c'est d'ici qu'est ma famille, depuis au moins le XVIème siècle, c'est dire.. L'église Notre-Dame qui domine la cité de sa flèche acérée abrita naguère le baptême de mon ancêtre. C'était en 1583, et mon nom était déjà connu en ces lieux. J'aime cette idée de l'attachement aux lieux. Il me fait toucher du doigt l'insignifiance du temps, à mes côtés je sens la présence de ceux qui m'ont précédé. J'arpente les mêmes rues, je passe devant l'église où joies et peines de la vie venaient s'offrir à Dieu, je franchis les portes qu'enfants mes aieux ont franchies, j'observe le soleil parcourant les murs de l'enceinte, tout comme ils l'ont observé, peut-être, il y a 100, 200, 300 ans, et bien avant encore..

Aujourd'hui je me promène, appareil photo en bandoulière. Je suis sur le pont neuf. Je n'y suis pas par hasard, je viens rencontrer des revenants. Mais il me faut trouver le bon angle. Le bon endroit. Le même espace dans un autre temps. J'ai pris ma photo. Et ce soir, la technologie fait revivre un monde englouti, et très bientôt oublié.

A la place du rond point aménagé pour fluidifier la circulation automobile, se presse un groupe d'enfants en blouses, béret et cape noire. Ils chahutent et posent devant le photographe. L'un deux déambule crânement les mains dans les poches, rejoignant le groupe, un autre semble contenir de ses bras écartés ses camarades qui pourtant paraissent bien calmes, posant presque au garde à vous.
Un autre jeune garçon, plus proche de l'objectif, rentre chez lui un paquet sous le bras. Qu'a-t-il donc acheté ?
On devine des voitures à cheval, et partout des paysans reconnaissables à leurs blouses, s'affairant qui un sac sur l'épaule, qui une canne de maquignon à la main. C'est jour de marché, l'animation bat son plein, les affaires se traitent à chaque coin de rue, on est heureux de se voir, on vient des campagnes alentours, il fait beau et Notre-Dame veille sur son petit peuple..

J'ai pris ma photo, elle est en couleur, et pourtant elle est terne. Elle est terne par rapport à cette autre photo prise il y a 100 ans, un jour de marché. Ces petits enfants sont pour la plupart morts et enterrés. Combien ont péri dans les tranchés ? Quel fut leur destin ? Les survivants achèvent leur existence dans quelque maison de retraite, avec pour seul réconfort le programme télé. Leur famille les a depuis longtemps oubliés. Repensent-ils parfois à cette matinée, où le soleil brillait, où le bonheur transcendait les difficultés de la vie d'alors, où l'avenir ne pouvait être que meilleur, et où un drôle de personnage avait planté son appareil sur pieds sur le pont neuf.. à l'endroit où je me trouve.

J'ai fait apparaître les spectres sur ma photo. Et ma photo s'est animée. Où êtes-vous tous partis ? Je ne le saurai que lorsque je vous rejoindrai. Attendez-moi.

Fontanim

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Commentaires
M
merci,<br /> <br /> souvent j'aimerais entrer dans les photos du passé, aller voir hors du cadre, m'engager dans les rues que l'on devine entre deux maisons, entrer dans les échoppes depuis longtemps fermées.. Tu as raison, nous portons en nous leur mémoire, pour peu que l'on y prète attention, on peut parfois le ressentir..
L
Superbe idée que celle de faire apparaître les fantômes du passé.. La note est nostalgique sans tristesse. Nous portons en nous leur mémoire..
mezonemo dre-holl
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